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Critères de discrimination au travail : apports jurisprudentiels

Publié le
8/12/2020
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Selon une enquête réalisée par ADP research institute, publié le 24 novembre 2020, plus d’un tiers des participants déclarent s’être déjà sentis discriminés par leurs employeurs actuels. Les principales discriminations sont : l’âge (12 %), l’origine (9 %) et le sexe (9 %).

La discrimination au travail possède une part majeure des cas de conflits au travail. La chambre sociale de la Cour de cassation s’est récemment prononcée sur l’appréciation de deux critères de discrimination :

Avant d’évoquer l’attendu de ces deux arrêts, nous nous attarderons sur le contour juridique du principe général de non-discrimination.

I.            La discrimination : qu’est-ce que c’est ?

La LOI n° 2008-496 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations publiée le 28 mai 2008 distingue deux types de discrimination : la discrimination directe et la discrimination indirecte.

Les articles L1132-1 et suivant du Code du travail et articles 225-1 et suivants du Code pénal encadrent le principe général de non-discrimination. Ce principe intervient tout le long de la vie professionnelle, de l’embauche au licenciement. Il protège aussi bien les salariés, les stagiaires ainsi que les apprentis.

La discrimination directe consiste à traiter, un salarié de manière moins favorable qu’un autre dans une situation objectivement comparable sur le fondement ou au motif d’un des critères « interdits ». À l’inverse, la discrimination indirecte est un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner un désavantage « particulier » en raison d’une des caractéristiques individuelles du salarié (ex : le déplacement professionnel comme une obligation pour tous alors que l’un des salariés est père.)

L’article L1132-1 du Code du travail fixe 23 critères de discrimination :

  1. l’origine,
  2. le sexe,
  3. les mœurs,
  4. l’orientation sexuelle,
  5. l’identité de genre,
  6. l’âge,
  7. la situation de famille
  8. la grossesse,
  9. les caractéristiques génétiques,
  10. l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée,
  11. les opinions politiques,
  12. les activités syndicales
  13. l’exercice d’un mandat électif local,
  14. les convictions religieuses,
  15. l’apparence physique,
  16. le patronyme,
  17. le lieu de résidence
  18. l’état de santé
  19. le handicap
  20. la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique de l’intéressé, apparente ou connue de l’auteur de la décision,
  21. la perte d’autonomie,
  22. la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français,
  23. la domiciliation bancaire.

Tout travailleur peut dénoncer la discrimination. Il devra alors présenter au juge des éléments de faits qui laisse supposer l’existence d’une discrimination (directe ou indirecte).

À noter, que l’article L 1134-1 du code du travail fixe le principe d’aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination. En effet, la simple présomption d’une discrimination par le juge oblige la partie défenderesse à prouver la non-discrimination. En effet, le juge apprécie les éléments apportés, qui pris dans leur ensemble, peuvent laissent supposer l’existence d’une discrimination.

Dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Ce régime de la preuve “spécial” est favorable au salarié, puisque si le juge a un doute sur l’existence de la discrimination, la partie qui se défend devra prouver l’objectivité de sa décision. Il y a donc un inversement de la charge de la preuve.

II.         Appréciations jurisprudentielles en matière de discrimination

La Chambre sociale casse récemment deux arrêts portant sur deux critères de discrimination :

1.       Discrimination en raison de l’origine

Dans cet arrêt n°19-16.452, la chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Versailles (15 novembre 2018) au motif qu’elle n’a pas apprécié l’ensemble des éléments invoqués.

En l’espèce, le salarié avait invoqué une discrimination en raison de son origine, au motif que son coefficient n’a pas évolué entre 1979 et 2001, soit pendant près de 22 ans. L’attestation apportée par le salarié est rejetée par la Cour d’appel au motif qu’elle était « vague et non circonstanciée », ce qui ne permettait pas de déterminer à quel moment, à quelle occasion et par quelle personne les origines marocaines du salarié ont été évoquées pour refuser de le faire évoluer dans sa carrière.

La Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir apprécié l’ensemble des éléments matériellement, notamment la stagnation ainsi que l’absence d’entretien individuel pendant 30 ans. Ces éléments laissent à « supposer l’existence d’une discrimination en raison de … son origine ethnique, la cour d’appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ».

La cour de cassation renvoie le litige devant le devant la Cour d’appel de Paris. L’employeur devra alors prouver que sa décision, c’est-à-dire la stagnation du coefficient du salarié est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le salarié n’a pas la charge de la preuve.

2.       Discrimination en raison de l’état de santé

Dans cet arrêt n°19-16.452, la chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris (30 janvier 2018) au motif qu’elle n’a pas apprécié l’ensemble des éléments invoqués.

En l’espèce, la salariée avait invoqué, une discrimination en raison de son état de santé suite à un accident du travail dont elle avait été victime. La salariée avait été convoquée à un entretien préalable de licenciement avant la mise en œuvre de la procédure d’inaptitude. Parallèlement, l’employeur avait opéré des retenues injustifiées sur son salaire.

La Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir apprécié l’ensemble des éléments matériellement, qui « pris ensemble, laissaient supposer l’existence d’une discrimination à l’égard de la salariée en raison de son état de santé … la cour d’appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ».

Au regard de ces éléments, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En conclusion, la Cour de cassation reproche dans ses deux décisions l’absence d’appréciation des faits via la méthode dite de « faisceau d’indices ». Cette méthode permet d’établir l’existence de faits constitutifs grâce à l’assemblage d’un ensemble d’indices, qui, pris isolément, ne suffisent pas à apporter une preuve, mais qui pris ensemble constituent cette preuve. Elle est utilisée principalement en matière de discrimination ou encore de harcèlement.

Auteure: Fàtima FERNANDES HALMAOUI