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Le régime de réparation des préjudices écologiques : un régime réservé aux préjudices écologiques "purs" non-négligeables

Publié le
23/2/2021
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Le régime de réparation du préjudice écologique est revenu sur le devant de la scène juridique à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article 1247 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi biodiversité de 2016.

Article 1247 du code civil : « Est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Cet article introduit la réparation des préjudices écologiques dits purs dans le régime de réparation du préjudice écologique. C’est-à-dire les atteintes à l’environnement qui ne touchent pas directement des intérêts humains. En d’autres termes un préjudice n’a plus forcément besoin d’être personnel pour être indemnisé.

Les associations requérantes avaient deux griefs principaux concernant la rédaction de l’article 1247 du code civil, tous deux tirés de la mention « non négligeable » :

  1. L’absence de réparation des préjudices négligeables

Selon les associations, la présence de la mention non négligeable entraînerait notamment une méconnaissance des articles 3[1] et 4[2] de la Charte de l’environnement. Il est vrai que ces deux articles, d’une valeur constitutionnelle, ne réservent pas le régime de réparation du préjudice écologique à certaines catégories de dommages causés à l’environnement. Cependant ils renvoient à la loi pour définir leurs conditions d’application. Donc toute la question est de savoir si le législateur est sorti de son domaine de compétence en prévoyant cette précision.

On pourrait considérer que les articles susmentionnés de la Charte de l’environnement obligent le législateur à prévoir un régime de réparation pour l’intégralité des dommages causés à l’environnement. Il pourrait s’agir d’un cas d’incompétence négative du législateur qui n’aurait définit qu’un régime de réparation du préjudice écologique réservé aux préjudices non négligeables. Ce n’est pas ce que répond le Conseil constitutionnel, il estime que les exigences de la charte sont remplies par l’article 1246 du code civil qui dispose que « Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer ». L’article 1247 du code civil viendrait seulement préciser la notion de préjudice écologique en ajoutant la prise en compte du préjudice écologique dit « pur »,

Toutefois une partie des dommages causés à l’environnement sont bien, de fait, exclus du régime de réparation du préjudice écologique. Tous les préjudices écologiques purs négligeables ne peuvent pas être réparés sur le fondement des articles 1246 et 1247 du code civil. Ce qui contredit les articles 3 et 4 de la Charte de l’environnement qui prévoient bien une réparation de tous les dommages causés à l’environnement. Or un préjudice écologique pur négligeable est bien un dommage causé à l’environnement.

En conclusion, même si le conseil constitutionnel a reconnu la constitutionnalité de l’article 1247 du code civil, sa limitation aux préjudices non négligeable fait naître un doute sur la constitutionnalité de l’article 1247 du code civil et rend la décision critiquable.

  1. L’absence d’intelligibilité et de clarté

En outre, selon les associations, ne pas définir ce qu’est une « atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement » méconnaîtrait le principe de clarté de la loi et l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi[3].

Il est vrai que définir ce qui est négligeable ou non donne une certaine subjectivité à la définition du préjudice écologique pur. Le terme négligeable est défini par le Larousse comme quelque chose « Qui peut être négligé, dont on peut ne pas tenir compte ».

Sachant que le droit commence tout juste à tenir compte du préjudice écologique pur, il y aura sans doute plus de préjudices considérés comme négligeables que de préjudices considérés comme non négligeable. Ce qui peut donner un sens plus restrictif à la définition du préjudice écologique pur non négligeable. D’autant plus que le Sénat, lors de ses travaux préparatoires, proposait la formulation « atteintes graves et durables » à l’environnement en lieu et place de « atteinte non négligeable ». Grâce à ces éléments on peut considérer que le préjudice écologique pur non négligeable a une définition plutôt restrictive.

Le Conseil constitutionnel n’a d’ailleurs pas répondu à ce grief dans la version de sa décision publiée au journal officiel. Cela peut avoir plusieurs raisons :

  • Le Conseil constitutionnel n’a censuré que peu de lois sur le fondement de cet objectif à valeur constitutionnelle ;
  • Les indices suscités rendent la définition claire et intelligible pour le Conseil constitutionnel ;
  • Une reconnaissance du préjudice écologique pur est une avancée suffisante pour le droit de l’environnement ;
  • Une définition trop large du préjudice écologique pur multiplierait les recours devant des tribunaux déjà submergés.

En tout état de cause il semblerait que le préjudice écologique pur soit réservé pour le moment aux dommages environnementaux les plus graves. Ce qu’atteste les quelques exemples de condamnations sur le fondement de l’article 1247 du code civil.

[1] « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ».

[2] « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi ».

[3] Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999

Auteur : Quentin SAUVETRE