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HARCELEMENT: EXONÉRATION DE LA RESPONSABILITÉ DE L’EMPLOYEUR

Publié le
21/7/2016
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La Cour de cassation, le 1er juin 2016, a rendu un arrêt concernant la responsabilité de l’employeur en matière de harcèlement moral.

Tout d’abord, il convient de revenir sur un arrêt récent de la chambre sociale du 25 novembre 2015. La Cour dans cette affaire, avait amorcé une évolution sur sa position concernant l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur. Effectivement, pour cette dernière, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. La question était donc posée concernant la portée de cette évolution, et de savoir si elle s’appliquerait également en matière de harcèlement moral.

Le détail est proposé à la fin de cet article.

Dans cet arrêt du 1er juin 2016, la Cour va dans le même sens que l’arrêt précédemment cité, marquant une évolution de la jurisprudence en matière d’obligation de sécurité de résultat.

En l’espèce, le salarié d’une entreprise a été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique. Toutefois, dès qu’il a eu connaissance de ce conflit, l’employeur a d’une part, inséré une procédure d’alerte dans le règlement intérieur en matière de harcèlement moral et d’autre part, mis en place une enquête interne pour vérifier la véracité des faits. Une réunion de médiation avec le médecin du travail, trois membres du CHSCT et le directeur des ressources humaines a également été organisée, des suites de laquelle a été confiée au directeur RH, une mission de médiation entre les deux salariés durant trois mois.

Les juges de la Cour d’appel ont estimé suffisants les dispositifs qui ont été mis en place par l’employeur. Toutefois, la Cour de Cassation, a censuré la décision des juges du fond. Elle énonce clairement que : « l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser » « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral »

Concrètement, l’employeur peut dorénavant s’exonérer de sa responsabilité s’il a rempli les conditions suivantes :

• Il a pris toutes les mesures de préventions prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, c’est-à-dire :

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. » (Article L.4121-1)

L employeur doit mettre en œuvre les mesures ci-dessus, sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

« 1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L. 1152-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. » (Article L.4121-2)

• Il a pris les mesures immédiates propres à faire cesser les faits de harcèlement moral.

Dans cette affaire, la Cour estime que les dispositifs mis en place par l’employeur sont insuffisants pour l’exonérer de sa responsabilité, car il ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L.4121-1 et L4121-2 du code du travail, dont notamment des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral.
Une autre condition est alors mise en avant, indissociable de la première mais toutefois indispensable :
• La mise en œuvre préalablement à la survenance des faits, des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral.

En effet l’employeur qui ne veut pas voir sa responsabilité engagée pour des faits de harcèlement moral, a tout intérêt à sensibiliser ses salariés sur cette problématique par des actions de formation et d’information. En effet même si le fait de prendre des mesures efficaces pour faire cesser les faits de harcèlement est une condition, pour que sa responsabilité ne soit pas engagée, il convient d’agir également en amont pour prévenir ce genre d’agissements dans l’entreprise.

Arrêt 14-19.702 de la cour de cassation, civile, chambre sociale, 1er juin 2016

Détail arrêt du 25 novembre 2015, 14-24.444

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 novembre 2015, 14-24.444
Le 25 novembre 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt concernant l’obligation de sécurité de l’employeur.
Dans cette affaire, un chef de cabine en escale à New York lors des attentats du 11 septembre 2011, a été témoin des attaques. Il a toutefois repris ses fonctions de manière normale jusqu’en 2006, période à laquelle il a été pris d’une crise de panique l’empêchant de se rendre à bord de son avion. Victime d’un syndrome anxio-dépressif majeur il a été en arrêt de travail jusqu’à son licenciement en 2011 pour ne pas s’être présenté à une visite médicale. Antérieurement à cette rupture de contrat, le salarié a saisi le tribunal des prud’hommes en vue d’obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de l’obligation de sécurité de résultat pesant sur l’employeur. Toutefois la Cour d’appel a rejeté ses prétentions.
Les juges affirment en l’espèce que, dans le cas d’une entreprise justifiant avoir pris toutes les mesures de prévention inscrites aux articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail, celle-ci est réputée satisfaire à son obligation légale de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. En effet l’employeur a pris en compte les événements violents auxquels le salarié a été exposé. A cet effet, d’une part, l’équipage a été accueilli par l’ensemble du personnel médical mobilisé pour leur assurer une présence permanente et les orienters vers des consultations psychiatriques et, d’autre part, le salarié a été déclaré apte lors de quatre visites médicales. Au demeurant les éléments produits, en date de 2008 étaient dépourvus de lien avec les événements dont il a été témoin. Les juges estiment que l’employeur n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat.
En effet, malgré la survenance du résultat, l’employeur n’a pas été condamné car il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de son salarié. On tend d’une obligation de résultat vers une obligation de moyens renforcée. L’employeur doit prouver qu’il a bien mis en œuvre toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés.

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 novembre 2015, 14-24.444